La première chose qu’entend Fernando Escobal quand il sort de son petit bureau de Cajamarca, c’est un concert de couinements émis par des milliers de cochons d’Inde. Les petites bêtes ne seront pas destinées à des animaleries, mais à la table…

« Elève des cochons d’Inde et mange à ta faim », dit un dicton Inca.

Dans les Andes centrales, le cochon d’Inde, ou Cuy comme on le nomme au Pérou en référence à son couinement, domestiqué il y a près de cinq mille ans, est considéré comme un mets de choix. Dans la cathédrale de Cuzco, l’ancienne capitale de l’Empire Inca ainsi que dans le monastère San Francisco de Lima, des tableaux datant de la période coloniale dépeignent le Christ et ses apôtres se régalant d’un plat de Cuy rôti. Le rongeur est d’ailleurs quasiment toujours réservé au menu des jours de fête dans les Andes.

Les Péruviens consomment 22 millions de cochons d’Inde par an.

Au Pérou, les guérisseurs traditionnels se servent des cochons d’Inde pour diagnostiquer des maladies. La méthode consiste à faire passer l’animal au-dessus de la personne malade, suite à cela le disséquer et lui examiner les entrailles pour déterminer la nature de la maladie. Francisco Escobal et son équipe aimeraient convaincre les péruviens de ne pas seulement garder les Cuy pour les grandes occasions, mais d’en consommer au contraire régulièrement pour ainsi améliorer l’ordinaire de beaucoup de péruviens. C’est dans ce but que de nombreuses recherches ont été menées et qu’ils ont créé de nouvelles espèces.

D’après le ministère de l’Agriculture, la chair du cochon d’Inde contient davantage de protéines et moins de graisse que celle du poulet ou du porc, pour ne rien dire de la viande rouge. Un Cuy nouvelle génération peut facilement nourrir une famille de quatre personnes. En outre, le nouveau supercobaye pourrait intéresser les palais délicats. Le goût du cuy rappelle celui du lapin. A Cajamarca, on le déguste en ragoût ; plus au sud, on le dépiaute et on le fait frire jusqu’à ce qu’il soit doré et croustillant. Son seul défaut jusqu’à présent était qu’il n’y avait pas grand-chose à manger et beaucoup de petits os. La science a peut-être enfin remédié au problème et fait un pas vers la baisse des carences alimentaires que connaissant de nombreuses populations.